Il existe beaucoup d'histoires qui commencent par ce très célèbre « il était une fois ». Mais une fois quoi on se le demande ! Ah si, une jeune princesse mal traitée par sa terrible belle-mère et qui à la fin de la jolie petite histoire trouve son prince charmant et a beaucoup d'enfants. Mais si ce n'était pas une jeune fille à proprement parlé qui tomberait amoureuse ? Et qui n'aurait pas son prince charmant à la fin du conte ? Eh oui, car toutes les belles histoires n'ont pas leur Happy end. Les personnages qui n'apparaissent que furtivement dans l'histoire et qui peuvent se montrer cruels sans qu'on sache pourquoi ont-ils leur Happy End ? Eh bien non.

quand la beauté compte plus que tout.

- Miroir, miroir en bois d'ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle.

Je regarde la femme qui se trouve en face de moi, je sais que je ne peux pas lui mentir et de toutes manières je ne pourrais pas le faire même si je le voulais. Elle se coiffe comme tous les matins avec une brosse en ivoire. Elle est inévitablement belle pour son âge, je ne peux la contredire et cherchant la vérité je sais qu'elle est la plus belle femme du royaume. Mon visage apparait sur la surface lisse la glace et d'une voix monocorde lui dit :

- En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi.

Elle affiche un petit sourire satisfait avant de déposer sa brosse sur la commode et de sortir de sa chambre. Je reste alors seule, regardant par la fenêtre le monde extérieur. Je pourrais tout aussi bien le voir de mes propre yeux si je le voulais, mais je préfère de loin faire ceci. Mon visage disparait et je m'amuse à regarder les gens du château. Je les juge par leurs façons de faire et sourit en voyant quels mensonges ils peuvent inventer entre eux. C'est pitoyable. Seul le roi et la jeune princesse semblent sincères. J'observe plus attentivement la petite fille, ses cheveux aussi noirs que l'ébène, sa peau aussi blanche que la neige et ses lèvres aussi rouges que le sang me font deviner qu'elle deviendra un jour ou l'autre plus belle que la reine. Mais pour l'instant notre chère Snow-White n'est qu'une fillette qui ne risque pas de gâcher les plans de sa belle-mère.

Dix ans ont passés, dix années où une seule femme n'a pas cessé de me demander si elle est la plus belle femme du royaume et plus et je n'ai jamais pu la contredire, car seul la vérité sort de ma bouche. Mais, parfois je me demande si je ne devrais pas aussi lui avouer qu'elle est la femme la plus horrible que je n'ai jamais rencontré de toute ma vie. Elle est d'une vanité écœurante qui me donne envie de vomir. Mais un miroir ne vomi pas bien évidemment, il se contente de rester sur place à avouer à une reine ce qu'elle désire entendre. La fée qui m'a donné à cette femme n'avait sûrement pas consciente de la bêtise de son geste. Mais je préfère me taire que de finir dans les flammes.

La reine se réveille comme tous les matins dès que le soleil se lève. A peine a-t-elle eu le temps d'enfiler une paire de pantoufle qu'elle se dirige vers moi, ses traits crispés par l'angoisse. Elle ne peut pas voir le sourire qui nait sur mes lèvres, mais moi je vois le désespoir et la colère qu'affiche son visage. Elle se rend enfin compte qu'elle n'est plus la plus belle femme du royaume, qu'elle n'est plus au premier plan. C'est la jeune Blanche-Neige qui l'a remplacé autant pas la beauté que par la gentillesse. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'apprécie la princesse, mais son visage séduit tout le monde et je ne fais pas exception. La reine s'assoit en face de sa coiffeuse, prend sa brosse et la passe dans ses cheveux ternit. Alors qu'elle me demande si elle est toujours la plus belle femme, mon visage apparait.

- Reine, tu étais la plus belle, mais Blanche neige au pays des sept nains, au-delà des monts, bien loin, est aujourd'hui une merveille.

Je ne dis que la vérité, mais cela ne semble pas lui plaire. Elle se lève, horriblement furieuse et fracasse un vase contre le mur. Ses servantes arrivent pour voir ce qui se passe, mais elle les renvoi d'un ton sec. Et je sais à ce moment précis que quelque chose va arriver, une chose terrible.

Bien évidemment si la reine veut redevenir la plus belle femme du royaume, elle doit tuer Snow-White et c'est pour cela que le chasseur s'avance en ce moment même devant elle, un genou à terre. Je n'ai pas de coeur, mais si j'en avais un, je suis sûr qu'il bâterait très fort. Je suis belle et bien amoureuse du jeune homme qui écoute l'affreuse requête de la reine. Mais que ferait un homme comme lui avec un miroir ? Je deviens pathétique. Seulement après qu'il soit partie dans la forêt pour tuer la princesse, je vois bien qu'il ne peut pas y parvenir. Il a beau vouloir accomplir son dessein, la dague qu'il tenait sous la gorge de Snow-White tombe par terre. La terrible vérité s'offre à moi et une haine féroce contre la jeune femme m'envahit. Elle ressent quelque chose pour lui, j'en suis sûr et le chasseur n'est pas en reste. Celui-ci ramène d'ailleurs un coeur de biche à la reine.

- Miroir, miroir en bois d'ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle.

- Blanche-Neige est la plus belle, ma reine.

- Comment-comment ça ?

- Le chasseur n'a point arraché le coeur de Snow-White comme tu l'avais demandé, c'est un coeur de biche que tu as mangé. La princesse cours dans les bois cherchant un refuge.

J'aurais pu lui mentir, dire qu'elle était la plus belle pour sauver la tendre Blanche-Neige. Mais je ne peux dire la vérité, rien que la vérité et même si j'avais pu mentir, je ne l'aurais pas fait. Je veux le chasseur et je l'aurais, même s'il en coûte à la plus belle femme du monde.

quand l'amour fait faire des bêtises.